La confidentialité des avis des juristes d’entreprise en passe d’être reconnue en droit français

La confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, ou « legal privilege », vient d’être entérinée par la Commission mixte paritaire (CMP) sur le Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Le vote final devrait intervenir très prochainement.

Les conditions pour bénéficier de la confidentialité. Selon le texte approuvé par la Commission, les consultations juridiques seront confidentielles si elles remplissent les conditions suivantes : 

  • auteur : elles doivent avoir été rédigées par le juriste d’entreprise ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité. Le texte prévoit également des conditions relatives à la formation du juriste d’entreprise ;
  • destinataires : le texte contient une liste exclusive des destinataires de ces consultations, qui inclut le représentant légal de l’entreprise ou son délégataire, ses organes de direction, administration ou surveillance, mais aussi toute entité ayant à émettre des avis auxdits organes, ainsi qu’une liste de destinataires au niveau du groupe ; et
  • identification : ces consultations doivent revêtir la mention « confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise », et être identifiées et traçables au sein de l’entreprise.

La protection accordée par la confidentialité. 

  • Quelles situations ?
    • ces documents confidentiels ne pourront pas faire l’objet d’une saisie ou d’une obligation de remise à un tiers ; ni être opposés à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou aux entreprises du groupe auquel elle appartient ; mais
    • l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise peut lever la confidentialité.
  • Quels domaines ? 
    • les domaines concernés : le texte vise toute procédure ou litige en matière civile, commerciale ou administrative ; et
    • les domaines exclus : la confidentialité n’est pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale.

Les sanctions d’un usage frauduleux de la confidentialité. Le fait d’apposer frauduleusement la mention « confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise » sur un document qui ne remplit par les conditions mentionnées ci-avant est punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. 

Prochaines étapes. Le texte, qui a été adopté à l’Assemblée nationale le 18 juillet 2023, et approuvé par la Commission mixte paritaire le 5 octobre dernier, devrait être discuté en séance publique ce jour.  

Après l’adoption du texte, plusieurs décrets d’application et un arrêté devront être publiés. Il est également possible que le texte soit examiné par le Conseil Constitutionnel. 

Des opinions divergentes. Cette disposition du Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a entrainé de vifs débats dans l’opinion publique. 

Des représentants des autorités administratives indépendantes, dont l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et l’Autorité de la Concurrence, ont déploré le domaine d’application de ce texte et indiqué craindre des entraves à leurs actions.  

De leur côté, les associations et représentants des juristes d’entreprises se félicitent de ce qu’ils considèrent comme étant une avancée importante pour la compétitivité des entreprises françaises. 

Liens et publication complémentaire. Le texte de la Commission mixte paritaire est disponible ici. Une analyse plus détaillée sera publiée après l’adoption définitive du texte.